Open thematic sessions > Towards an alternative management for social and solidarity-based economy: embodying strong sustainability in management challenges and practicesContact pour soumission de communication Julien Kleszczowski : julien.kleszczowski@univ-lille.fr Caroline Demeyère : cd.bhl@cbs.dk Lucie Cortambert : lcortambert@univ-catholyon.fr Stéphanie Havet-Laurent : shavetlaurent@inseec.com Adrien Laurent : adrien.laurent@dauphine.psl.eu Jennifer Saniossian : jennifer.saniossian@univ-st-etienne.fr
Cadrage et objectif de la session Face à la nécessité d’un changement profond du système économique actuel destructeur pour la planète et d’une “société du mépris” génératrice de pathologies sociales (Honneth, 2008), l’économie sociale et solidaire apparaît comme une voie alternative qui permet notamment un réencastrement entre sphères économique, sociale et environnementale (Polanyi, 1944 ; Laville,2019). Elle propose une utopie concrète en tant qu’économie “alternative” par rapport au système dominant, mais permet également de contribuer à l’acceptation sociale de la transformation respectant les limites écologiques : participation et renforcement de la démocratie au sein de groupes d’action collective et de territoires, réduction des inégalités, ou encore reconfiguration des besoins sociaux permettant de dépasser les seuls biens matériels (Draperi, 2011 ; Gardin et Jany-Catrice, 2016). Dans cette perspective, l’économie sociale et solidaire s’inscrit dans l’expérimentation et la pérennisation de la soutenabilité forte. Sur la base “d’engagements citoyens visant à démocratiser l’économie” (Dacheux et Laville,2003), les organisations de l’économie sociale et solidaire portent également une dimension politique qui cherche explicitement à promouvoir une transformation sociétale à la hauteur desenjeux de nos sociétés. Si la contribution des acteurs et organisations de l’ESS à la transformation est attestée en théorie et à travers l’étude de dispositifs et modèles spécifiques où il est montré en quoi elles se différencient fondamentalement de l’économie marchande à but lucratif (Béji-Bécheur et al.,2021), les acteurs de l’ESS font face à une grande complexité dans la mise en oeuvre, la pérennisation et l’extension de leurs initiatives (Combes-Joret et Lethielleux, 2014 ; Michaud, 2014 ; Château-Terrisse, 2012). Cette complexité peut constituer un obstacle à l’ambition de faire modèle, au-delà des cas particuliers et des contextes favorables, et ainsi questionner leur capacité à contribuer pleinement à une économie plus fortement soutenable. Sur le plan empirique, les acteurs et organisations de l’ESS sont confrontés à des enjeux de gestion pour mettre en oeuvre et développer leurs modèles. Ainsi, ils ne peuvent éviter la mise en oeuvre de pratiques de gestion afin de poursuivre et solidifier l’action collective solidaire (Vercher et al., 2016 ; Laville, 2009). Néanmoins, la question est de déterminer les dispositifs et les logiques sous-jacentes qui sont pleinement adaptés à la spécificité des organisations de l’ESS (Rousseau, 2007 ; Codello-Guijarro et Béji-Bécheur, 2015 ; Maisonnasse et al., 2019). En effet, de nombreux travaux ont montré que l’introduction de pratiques de gestion au sein des organisations de l’ESS serait liée à l’irruption croissante d’une rationalité instrumentale et l’importation de logiques issues d’autres sphères, notamment la sphère marchande (Bidet, 2003), conduisant à un dévoiement de la mission et du projet politique de ces organisations (Eynaud & Mourey, 2012). En quête d’une action plus efficiente et d’une adaptation à leur environnement, les organisations de l’ESS seraient ainsi amenées à se bureaucratiser, à rationaliser leurs dispositifs de gestion, à se professionnaliser et à délaisser le projet ayant fondé l’action collective. D’autres auteurs font ainsi état de l’emprise de « l’idéologie gestionnaire » (de Gaulejac, 2006) et de l’écueil du managérialisme, correspondant au « système de description, d’explication et d’interprétation du monde à partir des catégories de la gestion », imposant comme critère d’action la performance, la rationalité instrumentale et les exigences d’auditabilité et de responsabilisation (Avare et Sponem, 2008). Dans certains cas, des dispositifs et outils a priori adaptés aux organisations de l’ESS ont été analysés comme porteurs d’une logique marchande, comme des outils de mesure d’impact social (Studer, 2021). Par ailleurs, cette tendance serait renforcée parles mutations des modes de régulation à l'oeuvre par la puissance publique, favorisant appels à projets et mise en concurrence des acteurs (Boisselier, 2023 ; Demeyère, 2020). Il apparait donc crucial d’identifier et de conceptualiser des logiques et des pratiques de gestion spécifiques pour les organisations de l’ESS, à travers des dispositifs de gestion alternatifs qui leur soient adaptés tout en permettant de renforcer leur dimension politique et leur inscription dans une soutenabilité forte. Par ailleurs, il convient de noter que plusieurs problématiques de gestion auxquelles sont confrontées les acteurs de l’ESS ne se retrouvent pas dans d’autres champs, ou du moins de façon bien moins prononcée : les pratiques de participation et de coopération inter-organisationnelle (Saniossian et al., 2022), la gouvernance démocratique et multi-parties prenantes (Maignan et al., 2018), la prise en compte de la dimension militante des salariés (Valéau, 2013) ; l’implication des bénévoles (Cousineau et Damart, 2017), l’acquisition de ressources financières non marchandes et de ressources non monétaires (Bocquet et al., 2020), ou encore les systèmes d’évaluation d’objectifs et de pratiques spécifiques (Chemin et Gilbert,2010). Par conséquent, la conception d’outils et de dispositifs adaptés à ces enjeux apparaît incontournable. La contribution de l’ESS à la transformation de la société et sa dimension exemplaire en termes de soutenabilité forte passent donc par la conception d’une gestion alternative de ses organisations et actions collectives. Un certain nombre de travaux émergents ont commencé à s’inscrire dans cette voie de caractérisation d’une gestion “plurielle” (Vercher et al., 2016 ; Eynaud et França Filho, 2019 ; Glémain, 2020 ; Lallemand-Stempak et Eynaud, 2022), mais ce mouvement nécessite selon nous d’être poursuivi, ce qui constitue l’objectif de cette session thématique. Ainsi, cette session thématique propose d’accueillir des communications qui aborderaient l’undes enjeux suivants, sans que ces derniers ne soient exhaustifs. (1) les dispositifs de gestion des organisations de l’ESS leurs enjeux sous-jacents. Par exemple, il s’agit des stratégies et dispositifs permettant de concilier des logiques hybrides, les motivations spécifiques des bénévoles permettant d’imaginer des pratiques alternatives de gestion, les modalités organisationnelles d’émergence mais aussi de généralisation de projets d’innovation sociale, les pratiques de participation dans le management associatif, ou encore la gestion des coopérations inter-organisationnelles de l’ESS. (2) le rôle des organisations de l'ESS dans les transitions. Les travaux sur ce thème peuvent notamment aborder les modalités et dispositifs d’engagement des acteurs dans le changement, les modalités de construction et d’animation de réseaux et de partenariats avec des acteurs d'autres secteurs. En effet, de plus en plus d'acteurs cherchent à promouvoir ce changement par la transformation de référentiels entrepreneuriaux traditionnels à travers l’adoption d’une mission sociale et un objectif collectif propres aux organisations de l’ESS, tout en s’appuyant sur des mécanismes de marchés. Nous accueillons ainsi les travaux qui étudient les leviers, les opportunités, mais aussi les défis et risques de telles démarches. (3) la mise en oeuvre de la soutenabilité au sein des organisations de l’ESS. Les OESS sont souvent présentées comme étant en pointe sur des pratiques soutenables ; cependant elles sont confrontéesà leurs propres contradictions dans leur mode de fonctionnement, ainsi que des défis spécifiques.Cela a été illustré par plusieurs scandales de gestion au sein d'associations ces dernières années, mettant en lumière des pratiques de fonctionnement souvent en opposition avec leur mission sociale, ou encore une grande précarité voire des pratiques d’ainsi qu'une exploitation précaire des travailleurs associatifs (Cottin-Marx, 2020). Plus largement, ces organisations peuvent être confrontées à des défis internes quant à la manière de mettre en oeuvre un changement en faveurde la transformation sociale et écologique. Cette session est ouverte à tous et toutes ; nous appelons particulièrement les doctorants et les chercheurs en début de carrière à soumettre une communication.
Références bibliographiques Avare, P., & Sponem, S. (2008). Le managérialisme et les associations. In C. Hoarau & J.-L.Laville, La gouvernance des associations, économie, sociologie, gestion. Erès. Béji-Bécheur, A., Vidaillet, B., & Hildwein, F. (2021). Organisons l’alternative ! Pratiques degestion pour une transition écologique et sociale (1ère édition). Éditions EMS. Bidet, É. (2003). L’insoutenable grand écart de l’économie sociale Isomorphisme institutionnelet économie solidaire. Revue du MAUSS, 21(1), 162-178. Bocquet, R., Cotterlaz-Rannard, G., & Ferrary, M. (2020). How do NPOs get funding? Abusiness model perspective based on the conversion of symbolic capital. Nonprofit andVoluntary Sector Quarterly, 49(6), 1233-1258. Boisselier, P. (2023). Évolution d'un secteur. Le rôle des outils de gestion dans la constructionde l'identité organisationnelle: le cas des associations à but social (Thèse de doctorat, UniversitéCôte d'Azur). Château-Terrisse, P. (2012). Le dispositif de gestion des organisations hybrides, régulateur delogiques institutionnelles hétérogènes ? Le cas du capital-risque solidaire. Management et Avenir,n° 54(4), 145-167. Chemin, C., & Gilbert, P. (2010). L’évaluation de la performance, analyseur de la gouvernanceassociative. Politiques et management public, 27(1), 55-78. Codello-Guijarro, P. & Béji-Bécheur, A. (2015). Les entreprises sociales et solidaires à l’épreuvedes outils de gestion. Revue française de gestion, 246, 103-109. Combes-Joret, M. & Lethielleux, L. (2014). La soutenabilité du modèle économique dual de laCroix-Rouge Française en question. RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme &Entreprise, 11,3, 52-72. Cottin-Marx, S. (2020). Les relations de travail dans les entreprises associatives. Salariés etemployeurs bénévoles face à l’ambivalence de leurs rôles. La Revue de l'Ires, 101-102, 29-48. Cousineau, M., & Damart, S. (2017). Le management des bénévoles, entre outils et valeurs-Uneapproche par les paradoxes. Revue française de gestion, 43(262), 19-36. Dacheux, É., & Laville, J.-L. (2003). Economie solidaire et démocratie—Introduction. Hermès,La Revue, 36(2), 9‑17. De Gaulejac, V. (2006). La société malade de la gestion. Revue française de gestion, 2, 161-169. Draperi, J. F. (2011). L'économie sociale et solidaire, une réponse à la crise?: Capitalisme,territoires et démocratie. Dunod. Demeyère, C. (2020). Gouvernance publique et collaboration gouvernements-associations dansl’action publique: approche ethnographique des dynamiques relationnelles dans le champ desProposition session thématique Riodd 2024politiques d’égalité entre les femmes et les hommes (1981-2020) (Thèse de doctorat, Paris 10). Eynaud, P., & França Filho, G. C. de F. (2019). Solidarité et organisation : Penser une autregestion. ERES. Eynaud, P., & Mourey, D. (2012). Professionnalisation et identité des associations du secteursocial : chronique d’une mort annoncée ?. Politiques et Management public, 29 (4), pp.671 - 693. Gardin, L., & Jany-Catrice, F. (Eds.) 2016. L’économie sociale et solidaire en coopérations.Rennes : Presses universitaires de Rennes. Glémain, P. (2020). La gestion financière des associations face aux marchés. Pour une “autre”réddition comptable. Finance Contrôle Stratégie, (NS-10). Honneth, A. (2008). La société du mépris. La Découverte. Lallemand-Stempak, N., & Eynaud, P. (2022). Vers une autre gestion (No. hal-03795101). Laville, J.-L. (2009). Management et régulation dans les associations. Connexions, 91, 149-161. Laville, J.-L. (2019). Réinventer l’association : Contre la société du mépris. Desclée DeBrouwer. Maignan, M., Arnaud, C., & Chateau Terrisse, P. (2018). La gestion des tensionsorganisationnelles dans les coopératives multisociétaires à vocation sociale: Le cas d’une SociétéCoopérative d’Intérêt Collectif dans le secteur du logement social. Management international,22(2), 128-143. Maisonnasse, J., Petrella, F., & Richez-Battesti, N. (2019). Préserver le sens dans lesorganisations de l’économie sociale et solidaire: quels outils de gestion?. RIMHE: RevueInterdisciplinaire Management, Homme (s) & Entreprise, (1), 3-29. Michaud, V. (2014). Mediating the paradoxes of organizational governance through numbers.Organization Studies, 35(1), 75-101. Rousseau, F. (2007). Réapprendre à conter: Genèse d’un entrepreneur social. Gérer etcomprendre, 87, 23. Saniossian, J., Lecocq, X., & Beaucourt, C. (2022). Meta-Organizations in the Making. AMultiple Case Study of Multi-Stakeholder Meta-Organizations for Social Innovation.M@n@gement, 25(2). Studer, M. (2021). Évaluer l’économie sociale et solidaire: socioéconomie des conventionsd’évaluation de l’ESS et du marché de l’évaluation d’impact social (Thèse de doctorat,Université de Lille). Valéau P. (2013), La fonction RH dans les associations : les valeurs militantes à l’épreuve de laprofessionnalisation, Revue Internationale de l’Economie Sociale, n°328, p.76-94. Vercher-Chaptal, C., Eynaud, P., Bernet, J., & Maurel, O. (2016). La gestion des associations.Editions Erès. |
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