Open thematic sessions > The principles and challenges of a shift from a circular economy to a transformative circular society: between self-organising and institutionalisingContact pour soumission de communication
Muriel Maillefert : muriel.maillefert@univ-lyon3.fr Elise Marcandella : elise.marcandella@univ-lorraine.fr Isabelle Robert : isabelle.robert@univ-lille.fr Anne-Claire Savy : acsavy@posteo.net Marie-France Vernier : mfvernier@univ-catholyon.fr
Cadrage et objectif de la session
La notion d’économie circulaire a été développée dès les années 1960 par les travaux de K. Boulding (1966, 1972), dans un contexte de prise de conscience de l'impact de l'activité économique sur la nature (avec notamment le succès de Silent Spring de Rachel Carson, 1962) et d'émergence d’autres critiques du modèle (critique du développement, des inégalités, organisées à partir d’un point de vue essentiellement productif). Avec l'économie circulaire, Boulding a critiqué l’absence de limites propres au système économique dominant (l’économie du cow boy). Il a ainsi introduit l’idée d’un monde fini (l’économie de l’astronaute qui vit dans un espace aux ressources limitées), idée qui est maintenant reconnue par de nombreux travaux (voir par exemple les rapports du GIEC, les travaux sur les limites planétaires (Steffen et al. 2015) ou sur la théorie du Donut de Kate Raworth (2012). D'abord peu prise en compte, puis réinvestie dans une perspective de croissance, par Pearce et Turner (1990), des acteurs économiques, des fondations (Ellen Mc Arthur) et des États (Savy, 2022), cette nouvelle notion d’économie circulaire s'est imposée dans les discours politiques, les organisations et même dans la littérature scientifique. Elle bénéficie d'une dimension mobilisatrice portant sur un avenir désirable et semble aujourd'hui avoir pris les devants sur d’autres notions critiques comme la soutenabilité, le développement durable, la transition, voire la décroissance. Les politiques publiques en Europe et dans le monde tendent à favoriser une vision plus étendue d'économie circulaire, restant pourtant peu contraignante et le plus souvent centrée sur la gestion des déchets et la question du recyclage (Corvelec et al., 2022). Elle promeut une mise en œuvre à différentes échelles (l’entreprise, l’organisation, le territoire, la région etc.), plus opérationnelle que la notion de développement durable. Elle apparait, comme le développement durable, très malléable et sujette à controverses. Ainsi, la notion actuelle d'économie circulaire est à ce jour aisément appropriée par l'univers marchand et principalement conceptualisée comme un projet de modernisation écologique, qui occulte tout débat sur la durabilité sociale et la transformation sociale (Jaeger-Erben et al. 2021). La multiplication des initiatives tant au niveau des territoires que des organisations qui se réclament du champ de l'économie circulaire (comme par exemple dans le secteur du textile, de l’électro-ménager, du mobilier, de la mobilité, de l'agriculture et de l'alimentation...) met en exergue un écart entre l'opérationnalisation du modèle d’économie circulaire et ses valeurs initiales transformatives sur un continuum allant de la soutenabilité faible à la soutenabilité forte. De fait, la conception généralisée de l'économie circulaire se concentre principalement sur la relation environnement-économie et efface "la société" (Ziegler et al. 2023). La question de la durabilité du concept et du changement de paradigme qu'il appelle, apparait néanmoins de plus en plus dans les discours et soulève l'absence récurrente de la dimension sociale (Kirchherr et al., 2023). Plusieurs cadres alternatifs vont ainsi au-delà de la technologie et des solutions basées sur le marché et s’inscrivent dans des logiques post-croissance, visant un changement plus radical de modèle, voire un changement de paradigme sociétal. C'est la question que posent les travaux sur "la circularité forte" (Aggeri et al. 2023), évoquée plus tôt ceux sur la « circularité authentique" (Bourg et Arnsperger, 2016), "la société permacirculaire (Bourg et Arnsperger, 2017) et d’autres travaux identifiés comme courant de la "société circulaire transformative" par (Friant et al. (2020). Plus récemment d'autres travaux élaborent des modèles systémiques de cette transformation, comme Sarkar (2022) appelant à réinscrire le concept dans la décroissance de l'économie écologique, ou James (2022) invitant à transformerle système de production, en questionnant, à chaque prise de décision, les quatre dimensions sociétales – économique, écologique, culturelle et politique. Cette session s'inscrit dans ces derniers travaux, visant à s'interroger sur les sources de l'affaiblissement de la vision transformative portée initialement par l'économie circulaire (Boulding, 1966, 1972) et sur les leviers permettant d'aller vers une société circulaire transformative. Comme le rappellent Jaeger-Erben et ses co-auteurs en 2021, "Les transitions en économie circulaire ne sont pas possibles sans l'engagement et la participation de tous les acteurs de la société. Et le concept de société circulaire doit être appréhendé comme une transformation socio-écologique". Cette session s'inscrit également dans le champ des sustainability transitions avec l’idée prédominante qu’une transition procède toujours par transformations multiples, simultanées, et agissant à des niveaux variés allant du plus local au niveau macro (Audet, 2015). L’une des approches plébiscitées par ce courant est l’approche multiniveaux développée par Geels (2002). Cependant pour pallier les critiques inhérentes à ce cadre d’analyse qui repose sur une dimension essentiellement sociotechnique et sur son caractère apolitique (notamment l’occultation des rapports de pouvoir), cette approche nécessite d’être couplée aux nombreuses recherches portant sur les innovations sociales (Klein et al. 2016, 2019) et les approches territoriales (Lepin, et Maillefert, 2022). Ainsi Loorbach et le courant de la gouvernance de transition apporte la dimension sociétale. Ils définissent une transition sociétale comme un processus implanifiable, qui découle de la conjugaison de forces d’institutionnalisation et de forces auto-organisées spontanées. Une transition s'opère quand l'accélération du développement d’alternatives, par des forces auto-organisées, répond au chaos résultant des limites de l'optimisation et de la résistance au changement du système, par des forces d'institutionnalisation. La transition sociétale aboutit quand les forces auto-organisées parviennent à institutionnaliser leurs alternatives et à démanteler les anciennes pratiques, dépassant ainsi le point de basculement (Loorbach, 2007 ; Hebinck, et al., 2022, Geels, 2002). Dans cette perspective, cette session pose la question de la capacité et/ou de la résistance des institutions (État ou organisations) du système à se transformer à travers l'analyse des expérimentations tant au niveau des territoires que des organisations dans une logique écosystémique. Elle souhaite tout particulièrement développer la recherche sur le rôle de l'auto- organisation dans la transition vers une société circulaire, mis en lumière aux niveaux macro, méso et micro par Savy (2022). Elle s'intéresse, notamment à la capacité de l'auto-organisation à faire face aux forces institutionnelles et plus particulièrement par l'innovation sociale (Klein et al. 2019 ; Balzani et al., 2023). Cette session vise à accueillir des communications critiques sur la notion de circularité dans une optique pluridisciplinaire voire interdisciplinaire. Il peut s’agir de discuter de la notion elle-même, de la mettre en perspective par rapport à divers champs disciplinaires, de proposer des expérimentations alternatives, d’évaluer des dispositifs qui se placent dans le champ de la circularité forte et authentique. Cette session invite ainsi différentes disciplines à présenter et discuter les concepts, outils et méthodologies identifiés pour leur pouvoir de transformation systémique du territoire, aux échelles locales autant que globales. Il s'agira notammentd'expliciter les méthodes, les résultats, les difficultés rencontrées et les solutions, qui pourraient contribuer à rentrer en discussion avec d'autres disciplines. Les contributions pourront se pencher sur les valeurs fondamentales et les cadres cognitifs qui permettent de passer d'une logique d'économie circulaire à une logique de société circulaire. Elles pourront également se centrer sur les questions suivantes : Quels sont les acteurs porteurs de cette dynamique transformatrice ? A quelle échelle ? Nationale, territoriale, locale... Quels sont plus particulièrement, les pratiques, les modes d'organisation et de gouvernance à privilégier ? Quels sont les jeux d'acteurs qui en découlent ? Comment raviver les racines de l’économie circulaire en réinventant les relations interhumaines et les relations humains-nature (Jaeger-Erben et al. 2021) ? Comment intégrer les citoyens dans cette dynamique transformative ? Comment sortir les consommateurs de leur rôle essentiellement consumériste au profit d’un rôle de praticien ? Quels seraient les outils et les pratiques de gestion à inventer ?... A l'inverse, des contributions critiques peuvent interroger les différents risques de dérives des expérimentations à l'échelle des organisations de l'économie circulaire portant plus particulièrement sur la dimension sociale et environnementale tels que la précarisation du travail, la dégradation des conditions de travail, la focalisation sur la dimension efficacité au détriment de la sobriété, le circular washing,… résultant de l'intégration des innovations dans une logique du business as usual. Les contributions peuvent également porter sur l'analyse de la résistance au changement des différents acteurs (État, entreprises, collectivités territoriales, ménages, consommateurs, salariés...) mais également sur l’analyse des valeurs et dispositifs institutionnels qui permettent de maintenir les pratiques de régulation et de gestion dominantes dans le paradigme de l'économie linéaire.
Références bibliographiques indicatives : -Aggeri F, Beulque R et Micheaux H (2023), L’économie circulaire, Ed La Découverte. - Audet, R. (2015). Le champ des sustainability transitions : origines, analyses et pratiques de recherche. Cahiers de recherche sociologique, (58), 73–93. https://doi.org/10.7202/1036207ar -Arnsperger, C., & Bourg, D. (2016). Vers une économie authentiquement circulaire. Revue de l’OFCE, 145(1), 91-125. -Arnsperger, C., & Bourg, D. (2017). Ecologie intégrale—Pour une société permacirculaire (PÜF). -Balzani B., Cervera M., Guèye K., Marcandella E., Wannenmacher D. (2023). « Vers le territoire capacitant : quelles innovations sociales pour quitter le monde de l’insertion ?, in Innovations sociales : regards pluridisciplinaires sur les concepts et pratiques sous la direction d’Anne Carbonnel, Raphaël Didier et Delphine Wannenmacher, « RESSOR », n° 8 , Éditions EPURE, Juin 2023. -Boulding, K. E. (1966). The Economics of the Coming Spaceship Earth. In In H. Jarrett (ed.) Environmental Quality in a Growing Economy (Johns Hopkins University Press, p. 3-14).
-Boulding, K. E. (1972). The Future of Personal Responsibility. American Behavioral Scientist, 15(3), 329-359. https://doi.org/10.1177/000276427201500303
-Corvellec, H., Stowell, A. F., & Johansson, N. (2022). Critiques of the circular economy.
Journal of Industrial Ecology, 26(2), 421-432.
-Friant, M. C., Vermeulen, W. J. V., & Salomone, R. (2020). A typology of circular economy discourses: Navigating the diverse visions of a contested paradigm. Resources, Conservation and Recycling, 161, 104917. https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2020.104917
-Geels, F. W. (2002). Technological transitions as evolutionary reconfiguration processes: a multi-level perspective and a case-study. Research policy, 31(8-9), 1257-1274.
-Hebinck, A., Diercks, G., von Wirth, T., Beers, P., Barsties, L., Buchel, S., Greer, R., Steenbergen, F., & Loorbach, D. (2022). An actionable understanding of societal transitions : The X-curve framework. Sustainability Science, 17(3), 1009-1021. https://doi.org/10.1007/s11625-021-01084-w
-Jaeger-Erben, M., Jensen, C., Hofmann, F., & Zwiers, J. (2021). There is no sustainable circular economy without a circular society. Resources, Conservation and Recycling, 168(5), 105476.
- James, P. (2022). Re-embedding the circular economy in Circles of Social Life : Beyond the self-repairing (and still-rapacious) economy. Local Environment, 27(10-11), 1208-1224. https://doi.org/10.1080/13549839.2022.2040469
-Kirchherr, J., Yang, N.-H. N., Schulze-Spüntrup, F., Heerink, M. J., & Hartley, K. (2023). Conceptualizing the Circular Economy (Revisited) : An Analysis of 221 Definitions. Resources, Conservation and Recycling, 194, 107001.
https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2023.107001
-Klein et al. 2016. La transformation sociale par l’innovation sociale. Collection Innovation sociale. Presses de l’Université du Québec
-Klein et al. 2019. Trajectoires d’innovation. Des émergences à la reconnaissance. Collection Innovation sociale. Presses de l’Université du Québec
- Lepin, N., & Maillefert, M. (2022). « De l’arbre au radiateur » : Vers de nouveaux opérateurs énergétiques territoriaux ?Innovation sociale territorialisée et enjeux de changements d’échelles. Norois, 264-265(3-4), 15-35. https://doi.org/10.4000/norois.12598
-Loorbach, D. (2007). Transition management. New mode of governance for sustainable development. International Books.
- Sarkar, A. (2022). Minimalonomics : A novel economic model to address environmental sustainability and earth’s carrying capacity. Journal of Cleaner Production, 371, 133663. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2022.133663
-Savy, A.-C. (2022). Les Dynamiques d’acteurs dans un contexte de transition vers une économie circulaire. Le Défi organisationnel. [PhD Thesis, Université de Montpellier]. https://hal.science/tel-03961214/
-Steffen, W., Richardson, K., Rockström, J., Cornell, S. E., Fetzer, I., Bennett, E. M., ... & - Sörlin, S. (2015). Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet. Science, 347(6223)
-Ziegler, R., Bauwens, T., Roy, M. J., Teasdale, S., Fourrier, A., & Raufflet, E. (2023). Embedding circularity: Theorizing the social economy, its potential, and its challenges. Ecological Economics, 214, 107970. |
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