Open thematic sessions > Industrial relations and ecological sustainabilityContact pour soumission de communication
Rémi Bourguignon : remi.bourguignon@u-pec.fr Christelle Havard : christelle.havard@bsb-education.com Markus Helfen : m.helfen@hertie-school.org
Cadrage et objectif de la session Dans les travaux et les discussions relatifs à la soutenabilité et à la RSE, la place accordée aux relations professionnelles et au dialogue social est généralement assez secondaire. Non par manque d’intérêt, mais probablement parce que les acteurs et les chercheurs considèrent que les instances du dialogue social ne sont pas les lieux les plus adéquats pour traiter de questions ayant des dimensions mondiales qui dépassent le cadre de l’entreprise, comme c’est le cas du changement climatique et de la protection de la biodiversité.
Pourtant, si l’on suit la définition relativement large du dialogue social donnée par l’OIT, l’objet du dialogue social ne se limite pas aux relations employeurs-salariés et les espaces du dialogue social à l’entreprise. En effet, selon l’OIT, « Le dialogue social inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échanges d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun ». La « politique économique et sociale » s’entend dans un sens large et non dans une conception restreinte à la seule relation employeur(s)- salariés concernant les conditions d’emploi, de travail et de rémunérations. De même, le dialogue social ne se limite pas aux représentants des salariés et de la direction au sein de l’entreprise mais peut se situer au niveau sectoriel (de la branche), territorial, national et concerner/associer un large éventail d’acteurs (des représentants des institutions publiques territoriales et nationales, des experts…).
Notre parti pris pour cette session thématique sera donc de considérer que toute question concernant l’avenir de nos sociétés humaines, au sens large, est susceptible d’être appréhendée dans le champ (disciplinaire) des relations professionnelles (Bevort & Jobert 2011). Cela revient à reconnaître une légitimité, a priori, pour les instances de dialogue social à se saisir des préoccupations relatives aux impacts des activités économiques sur leur environnement naturel et social, comme le mouvement de la RSE a légitimé le dialogue entre les milieux d’affaires, la société civile organisée et l’Etat. En quelque sorte, instaurer un « dialogue social écologique » (Desbarats, 2023).
Parmi les questions qui peuvent être abordées, la liste qui suit est indicative afin de cerner le périmètre des interrogations de la session.
Le dialogue social peut-il servir à éclairer les débats sur la soutenabilité écologique des activités humaines ? Quelle vision les employeurs et les représentants des salariés ont-ils des enjeux de soutenabilité ? Le dialogue peut-il contribuer à apporter des propositions de solutions aux défis de nouveaux modèles de production et de consommation ? Dans quelle mesure peuvent-elles conduire à un consensus ?
A quel(s) niveau(x) peut ou doit avoir lieu le dialogue (ou la négociation) sur ces sujets de soutenabilité ? Les institutions actuelles de représentation dans l’entreprise sont-elles adaptées pour répondre à ces défis ? Au sein des territoires, dans quelles instances peut se tenir le dialogue, avec quels acteurs et selon quelles modalités ? Comment les acteurs publics et les politiques publiques nationales peuvent orchestrer ce dialogue de soutenabilité ? Quelles institutions européennes (la Commission européenne, le Parlement européen, les comité dialogue social sectoriel) ou internationales (les Points de contact nationaux de l’OCDE) sont en mesure d’organiser le dialogue autour de ces défis de soutenabilité ? A l’échelle européenne et internationale des entreprises, quels rôles peuvent jouer les instances telles que les comités de groupes, les comités d’entreprise européens, ou les dispositifs tels que les accords-cadres internationaux dans ce dialogue de soutenabilité au sein des chaînes de valeur ?
Plus fondamentalement, la société-personne morale est-elle un lieu pertinent pour engager ces débats, alors qu’il s’agit plutôt de cerner les interactions au sein d’écosystèmes, par exemple dans le cadre d’un territoire déterminé ? La fonction même du dialogue social ne serait-elle pas modifiée par ces nouvelles pratiques ?
La littérature sur les comportements des acteurs syndicaux à l’égard de la soutenabilité environnementale a produit aujourd’hui certains résultats, mais il reste à éclairer plusieurs questions sur les pratiques effectives. Comment les mouvements syndicaux à différents niveaux (national, territorial, entreprise) qui n’étaient pas préparés à intervenir sur ces enjeux s’y engagent-ils concrètement ? Le peuvent-ils sans avoir à changer fondamentalement leur raison d’être, leurs structures, leurs stratégies, de passer ainsi de la défense d’un intérêt collectif à celui de l’intérêt général ? Quelles sont leurs compétences et leurs capacités stratégiques pour faire face à ces défis ? Quelles contradictions entre la défense de l’emploi et des conditions de travail dans l’entreprise et dans les branches et la préoccupation de la préservation du vivant sur l’ensemble de la planète ? Comment surmonter les éventuelles contradictions ? Une coopération peut-elle s’instaurer entre eux et des parties prenantes extérieures à l’entreprise telles que des organisations de la société civile ?
Du côté des entreprises, si les recherches sont nombreuses sur leurs engagements de responsabilité environnementale, on sait peu de choses sur les positions et les engagements des organisations patronales interprofessionnelles et sectorielles.
On peut attacher une attention particulière aux nouvelles législations européennes (CSRD et devoir de vigilance) ainsi qu’à l’extension des prérogatives des Comité Sociaux Economiques en France dans les domaines environnementaux et sociétaux depuis la loi du 22 août 2021. L’examen des conditions d’élaboration de ces dispositions apporte-t-elle des enseignements sur l’évolution des perceptions et des volontés d’actions des acteurs économiques et des Etats ?
La proposition s’adresse aux chercheurs de toutes les disciplines en sciences sociales (gestion, sociologie, droit, science politique…) qui peuvent apporter leur concours et leur éclairage soit à partir de leur propre prisme, soit dans une approche pluridisciplinaire. Les contributions d’acteurs seront également examinées avec intérêt.
Références
Bevort A. & Jobert A. (2011), Sociologie du travail : les relations professionnelles, Paris : Armand Colin, 2ème édition.
Blin-Franchomme M.P., Desbarats I., Jazottes G., Mendoza-Caminade A. (dir .), L’entreprise résiliente. Risques globaux et sanitaires. Transition écologique. Innovation sociétale, LexisNexis, Planète social, 2023.
Bourguignon R., Stimec A. (coord.) (2022), L’analyse organisationnelle du dialogue social, Paris : éditions EMS.
Donaghey, J., & Reinecke, J. (2018). When industrial democracy meets corporate social responsibility—A comparison of the Bangladesh accord and alliance as responses to the Rana Plaza disaster. British Journal of Industrial Relations, 56(1), 14-42.
Fabris, B. & Pochet, P. (2023). Europe. La Confédération européenne des syndicats et la transition juste. Chronique Internationale de l'IRES, 184, 23-42.
Gazier B., Boylaud O. (2015). Dialogue social et variétés du capitalisme. Une analyse de long terme. Relations Industrielles / Industrial Relations, 70-4, 671-697.
Havard, C., & Sobczak, A. (2023). La contribution des unités syndicales territoriales au développement de la RSE : étude des capacités de trois syndicats français. Revue de l’organisation responsable, (1), 29-48.
Jobert A. (dir.). Les nouveaux cadres du dialogue social. Europe et territoires, Peter Lang, 2008.
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Molina, O. (2022). The role of tripartite social dialogue in facilitating a just transition: Experiences from selected countries (No. 76). ILO Working Paper.
Ringqvist, J. (2022). Union membership and the willingness to prioritize environmental protection above growth and jobs: A multi‐level analysis covering 22 European countries. British Journal of Industrial Relations, 60(3), 662-682.
Snell, D. and Fairbrother, P. (2010). Unions as environmental actors. Transfer, 16: 411–24.
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