Sessions thématiques ouvertes > Comprendre les crises et les transitions socio-écologiques suivant le prisme des approches critiques et transversales

Contact pour soumission de communication


Céline Berrier-Lucas : celine.berrier-lucas@isg.f

Marie Fall : marie.fall@uqac.ca

Lovasoa Ramboarisata : ramboarisata.lovasoa@uqam.ca

Dimbi Ramonjy : ramonjyd@excelia-group.com

 

Cadrage et objectif de la session

La tenue de la première session thématique portant sur les approches critiques au congrès du RIODD 2022 à Aubervilliers était motivée par le constat de l’intérêt qu’avait suscité la publication du numéro spécial « Décoloniser la RSE » de la Revue de l’Organisation Responsable la même année. Encouragée par les discussions structurantes et stimulantes lors de cette thématique mais notant aussi les souhaits des collègues et doctorant·es, surtout celles et ceux des Sud, de poursuivre et pérenniser l’expérience, l’équipe a décidé d’organiser une session thématique pour une deuxième année au congrès du RIODD 2023 à Lille. Nous pouvons parler humblement d’un succès car cette dernière édition nous a permis d’accueillir 8 communications d’origines disciplinaires et territoriales variées. Il s’agissait d’une occasion de conversation entre tenant·es des approches critiques au sens large mais aussi d’actrices et acteurs du terrain afin de mettre de l’avant l’originalité de leur démarche ainsi que la pertinence de leurs expériences et de leurs savoirs (co-construits par des citoyens et des universitaires dans certains cas) à l’avancement des recherches, des actions et de l'enseignement en faveur de la transition socio-écologique et des justices. La valorisation les travaux inscrits à cette session et d’autres travaux mobilisant les approches critiques est en cours de réalisation, en partenariat avec la Revue Organisations et territoires, en vue d’une publication d’un dossier spécial au début de 2025. Forte des expériences réussies des trois dernières années, mais constatant aussi l’intérêt que les autres associations académiques francophones accordent aux approches critiques dans leurs évènements annuels (voir par exemple les thèmes des tracks du congrès l’AIMS 2024 et ceux du congrès de l’AHMO 2023), l’équipe est convaincue que ce qui a déjà été entamé au RIODD mérite d’être renforcé et poursuivi. Ainsi, nous déposons cette demande de sessions thématique ouverte sur le thème des approches critiques pour le congrès de 2024 à Bruxelles.

 

Tel que rappelé par l’équipe bruxelloise organisatrice, dans l’appel à propositions au congrès du RIODD 2024 : « l’Europe a probablement beaucoup à apprendre de dynamiques qui prennent place au-delà de ses frontières, dans le Sud global notamment à travers les manières de résister et de proposer des alternatives à l’avancée de pratiques extractivistes ». Il nous paraît ainsi naturel que les rioddien.nes continuent à bénéficier d’une session dédiée à la pluriversalité portée par les tenant·es des approches critiques des Sud et leurs allié·es européen·es. En dépit des acquis et des convictions partagées autour des approches critiques comme possibles pour pe(a)nser des alternatives en contexte de Plantationocène et d’injustices sociales, nous constatons que la transdisciplinarité inhérente à ces perspectives n’est pas encore mobilisée. Cela a pour conséquence le maintien des silos disciplinaires et théoriques (par exemple, les perspectives décoloniales, les épistémologies des Sud, les féminismes, l’économie politique, la géographie politique, les études autochtones, les migration studies, l’écologie décoloniale, les humanités environnementales, etc.) sans réel dialogue entre eux. De plus, bien qu’elle bénéficie d’une forte tradition critique (inspirée de Foucault, Derrida tout comme De Beauvoir, Fanon, Glissant et bien d’autres), la communauté d’enseignant·es-chercheur.es francophones a une certaine réserve face à l’intersectionnel, l’interculturel, l’interconnaissance et l’interaction alors que ces derniers imposent un paradigme nouveau : la transversalité. Ainsi, les concepts de justice épistémique, de déhiérarchisation et de décolonialité devraient être, selon nous, au cœur des préoccupations d’un collectif comme le RIODD pour une déhiérarchisation des savoirs.

La diversité épistémologique du monde est immense, aussi étendue que sa diversité culturelle . Une telle reconnaissance s’avère cruciale, dans une perspective décoloniale et plus largement, dans une perspective critique. Aujourd’hui, de nombreuses pensées et mouvements dits alternatifs reprennent à leur compte, en les nommant ou non, certains apports propres au courant décolonial – qui, partant, essaime, foisonne, se ramifie, se reconfigure, se déterritorialise et se trouve resémantisé par et dans une pluralité de propositions, de collectifs et de pratiques (Buen Vivir, communalité, féminismes communautaires, activismes de tout poil, mouvements autochtones ou afrodescendants, etc.). Elles ajoutent que les universitaires doivent (re) trouver le souci d’articuler les savoirs de façon utile et concrète autour des luttes d’émancipation et de justice épistémique pour contribuer à en élargir les imaginaires politiques et les possibilités de coalition.

Cette session répondra ainsi à une nécessité, exprimée déjà ces dernières années dans d’autres associations savantes francophones (par exemples, l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS) au Canada, l’association française de sociologie, etc.), soit celle de redéfinir les relations Centre/périphérie (ou Nord/Sud) vers une nouvelle façon de produire des savoirs et des connaissances sur le monde. La rencontre de savoirs nécessite des traductions de réalités, de l’humilité : reconnaître la coexistence de tels savoirs sans chercher à faire advenir l’un au détriment de l’autre. Les savoirs se rencontrent, se heurtent aux sensibilités en présence, celles des différents porteurs d’épistémologies. Aussi, les savoirs se transforment parfois pour devenir hybrides. Puisque les nombreuses réalités de notre monde peuvent être observées avec plusieurs lunettes, l’adoption et l’intégration du Plurivers1 suppose la reconnaissance des autres formes de savoirs et traditions en dehors de l’universalisme occidental (Piron, 2021).

Comme nous définissons la critique de manière large, incluant à la fois la déconstruction/contestation (critique de la Modernité, critique de l’extractivisme, critique du développement positif, etc.) et résistance/(re)construction d’alternatives (innovations sociales, justices épistémiques, territorialisation, déhiérarchisation, visibilisation des subalternes, valorisation des savoirs endogènes, ancestraux, autochtones, etc.), nous souhaiterions recevoir des propositions de communication provenant de différents contextes et disciplines.

 

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Céline Berrier-Lucas : celine.berrier-lucas@isg.fr

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