Sessions thématiques ouvertes > (Re)penser le marketing dans une ère post-croissance

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Maud Herbert : maud.herbert@univ-lille.fr

 

Cadrage et objectif de la session

 

Cette session ouverte a pour objectif de discuter de la place renouvelée que peut tenir le marketing dans un monde post-croissance, en particulier pour épauler la mise en place de pratiques de (dé)consommation dans une logique de soutenabilité forte.

 

En théorisant dès les années 60 des « principes » qui favorisent l’adoption, le renouvellement puis l’accumulation de biens et services, le marketing moderne (aussi connu sous la terminologie de marketing traditionnel dit Kotlérien) est une des disciplines de gestion qui s’est mise historiquement au service d’une croissance capitaliste soutenue dans les pays développés et qui a favorisé le développement d’un consumérisme exacerbé. De plus, les principes de marketing ont été très tôt déployés dans de nombreux secteurs non marchands qualifiés de non-profit areas (Kotler et Levy, 1969), précipitant une « colonisation » des pratiques par des concepts d’abord conçus dans une logique commerciale et propageant son idéologie (Marion, 2006). Certains sociologues expliquent la faillite des états, des régulations et la disparition d’une forme de responsabilité́ collective par l’adoption d’une lecture systématique du monde par le filtre consumériste (Bauman, 2000). Les logiques de marchandisation gouvernent un rapport dominant à la Nature, comme forme inépuisablement exploitable, et, en s’étendant aux rapports humains, elle précipite les sociétés dans un état d’adiaphorie généralisée (Bauman et Donskis, 2013).

 

La déconstruction du marketing mais surtout sa reconstruction pour soutenir un monde qui saurait se réinventer avec un modèle de post-croissance devrait relever de la priorité pour les chercheurs et praticiens. Toutefois, elle tarde à s’exprimer, voire elle est parfois repoussée sine die, s’inscrivant dans une forme de déni socialement organisé par les sciences du management (Nyberg et Wright, 2022).

 

Cette session souhaite poursuivre les discussions engagées par la communauté scientifique francophone : « le marketing doit-il penser sa propre disparition? », Rémy et Roux, novembre 2021 et anglophone (Bayes BS and Royal Holloway London, « decolonizing marketing », Eckhardt et al. (2022)) et la session Riodd 2023 « effondrement du marketing ou marketing de l’effondrement ? ». Elle s’inscrit dans les démarches qui visent à penser un « marketing pour un monde meilleur » dans une approche de soutenabilité forte (Press, 2021) avec une tradition de marketing critique (Brown, 1999). Elle s’appuie également sur le programme présenté par Remy, Roux, Arnould, Askegaard, Beudaert, Galluzzo, Giannelloni et Marion dans leur article intitulé « Look up, cinq propositions de recherche pour repenser le marketing dans une société post-croissance » paru en décembre 2023 dans Recherche et Applications en Marketing.

 

La question de repenser un marketing post-croissance s’inscrit aussi dans une préoccupation plus générale à repenser la pertinence du marketing et la portée de son impact général auprès des populations par la pratique de l’inventaire, de la décolonisation des concepts et des rapports de pouvoir (Kravets et Varman, 2022) afin d’attirer l’attention vers un examen plus critique des théories et méthodes dominantes dans la recherche et les pratiques marketing (Thompson 2019). Il faut compléter ce point par l’idée de penser un marketing post-croissance comme un marketing performatif (Rémy et al., 2023) ou transformateur (Kemper et Ballantine, 2019), c’est-à-dire qui promeut la transformation profonde du marketing dans ses pratiques institutionnelles en s’engageant dans un empirisme qui permet de mettre en évidence la dimension collective des actions.

 

Les communications pourront traiter la question d’un marketing post-croissance sous plusieurs angles : celui de l’inventaire et des relations de pouvoir et domination, celui des expérimentations et des logiques d’interstice, celui d’un marketing systémique voire écosystémique qui permet de recontextualiser les actions marketing dans un cadre large d’activités et d’organisation, et également, celui de la place du marketing dans les politiques publiques.

 

Les communications peuvent adopter, si les auteurs le souhaitent, des formats et formes alternatives (vidéographies, proposition visuelle artistique, prose, poésie, autofiction, pamphlet, etc.)

 

A titre d’exemple (non exhaustif et non exclusif) :

 

· approche socio-historique de la pensée marketing ;

 

· déconstruction de théories, concepts, principes de marketing ayant favorisé le consumérisme ;

 

· analyse des effets de domination dans le marketing traditionnel (rapport nord-sud, genre, stéréotype, culture-nature) ;

 

· discussion réflexive autour du capitalisme vert / marketing vert sous l’angle d’une approche critique de la notion de découplage ;

 

· recherche critique sur le greenwashing (de la possibilité qu’il soit soutenu par la discipline voire du greenwashing de la dite discipline) ;

 

· questionnements et propositions autour d’un marketing qui favoriserait la post-croissance ;

 

· réarmement politique de la discipline : un marketing de la justice écologique et sociale est-il possible ?

 

· place du marketing dans la planification écologique

 

· marketing et imaginaires sociaux

 

· analyse des pratiques et expérimentations sous l’angle de la soutenabilité forte dans la consommation (formes alternatives, militantes, expérimentales, autre)

 

· Réflexivité et engagement sociétal des chercheurs en marketing

 

 

Bibliographie

 

Bauman, Z. (2000). Liquid Modernity. Polity. Press.

 

Bauman, Z., & Donskis, L. (2013). Moral blindness: The loss of sensitivity in liquid modernity. John Wiley & Sons.

 

Brown, S. (1999). Postmodernism: The end of marketing. Brownlie, D., Saren, M., Wensley, R. ve Whittington R.(Der.) Rethinking Marketing: Towards Critical Marketing Accountings, 27-51.

 

Eckhardt, G. M., Belk, R., Bradford, T. W., Dobscha, S., Ger, G., & Varman, R. (2022). Decolonizing Marketing, Consumption, Markets and Culture, 25(2), 176-186.

 

Kemper, JA et Ballantine, PW (2019). What do we mean by sustainability marketing? Journal of Marketing Management 35(3–4): 277–309.

Kotler, P., & Levy, S. J. (1969). Broadening the concept of marketing. Journal of Marketing, 33(1), 10-15. Marion G (2006) Research Note: Marketing ideology and criticism: legitimacy and legitimization. Marketing Theory, 6(2): 245-262.

 

Kravets, O., & Varman, R. (2022). Introduction to special issue: Hierarchies of knowledge in marketing theory, Marketing Theory, 22(2), 127-133.

 

Nyberg, D., & Wright, C. (2022). Climate-proofing management research. Academy of Management Perspectives, 36(2), 713-728.

 

Press, M. (2021). Developing a strong sustainability research program in marketing. AMS Review, 11(1-2), 96-114.

 

Thompson, C. (2019). The ’big data’ myth and the pitfalls of ’thick data’ opportunism: on the need for a different ontology of markets and consumption. Journal of Marketing Management 35(3–4): 207–230.

 

Rémy, E., Roux, D., Arnould, E., Askegaard, S., Beudaert, A., Galluzzo, A., Giannelloni, J-L. & Marion, G. (2023). Look up! Cinq propositions de recherche pour repenser le marketing dans une société post-croissance. Recherche et Applications en Marketing (French Edition), 1-23.

 

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