Sessions thématiques ouvertes > Accompagner les (poly)transitions dans les organisations du point de vue de l’activité réelle de travail dans une visée régénérative

Contact pour soumission de communication

Emilie Dufour : emilie.dufour@inrs.fr

Magali Prost : magali.prost@univ-brest.fr

Vincent Grosjean : vincent.grosjean@inrs.fr

 

Cadrage et objectif de la session

Discuter des “initiatives porteuses de mutations désirables” des organisations (cf. thème du congrès RIODD 2024) suppose de questionner la place qu’occupent les travailleur.se.s, parties prenantes essentielles de ces mutations. Que ces initiatives renvoient à l’adoption de nouveaux schémas de gouvernance, de changements dans les modes de production ou encore de la mise en place de nouveaux services, le questionnement sur les organisations aptes à faire face aux grands challenges contemporains (Ferraro, Etzion & Gehman, 2019) va toucher de près ou de loin la question du travail.

Partant du postulat que toute transition influence le travail et l’activité telle qu’elle est réalisée et vécue par les travailleur.se.s, un des enjeux essentiel est alors d’interroger, d’une part, les effets des transitions sur le travail et, d’autre part, par quelles voies le travail les contraint. Il s’agit aussi de prendre en compte les jeux d’acteurs qui prennent place dans l’organisation – jouant tantôt un rôle de freins à la transition, tantôt agissant comme leviers. Ainsi, la prise en compte de l’activité des travailleur.se.s a du sens tant au niveau institutionnel qu’au niveau organisationnel. L’activité humaine recouvre non seulement ce que les travailleur.se.s réalisent concrètement, mais aussi la façon dont ils et elles ressentent les transformations. Des travaux scientifiques (Barcellini, 2015 ; Pichault, 2009) sur l’organisation du management ou le changement montrent qu’il n’est pas efficace, à moyen et long terme, d’imposer « d’en haut » des transformations ou de penser que changer les contraintes structurelles suffira à impulser d’autres manières de faire. On peut en trouver des illustrations par exemple sur les questions de l’environnement et sur les sujets de soutenabilité.

La prise en compte du travail réel (Darses & De Montmollin, 2012), de ses conditions d’exercice et de la subjectivité de celles et ceux qui le réalisent, permettrait ainsi de s’assurer que la durabilité opère dans toutes ses dimensions (économiques, sociaux, environnementaux…), et cela dans la visée d’un travail soutenable, durable et désirable. Dès lors, ne peut-on pas convenir que l’impératif de « prendre soin du travail » cohabite avec celui de prendre soin de la nature ?

L’ergonomie et les autres disciplines centrées sur le travail se saisissent de plus en plus d’enjeux en rapport avec le développement durable, ce qui les amène à interroger leurs modèles théoriques et méthodologiques, ainsi qu’à remettre en débat certains aspects de leur éthique professionnelle (Bourmaud et al., 2019 ; Guibourdenche & Cahour, 2019). Les sciences du travail - ergonomie, psychologie ergonomique, sociologie du travail, psychodynamique du travail, etc. - ont donc leur pierre à apporter à la communauté RIODD et aux autres communautés de chercheur.se.s s’intéressant à l’organisation et à ses mutations, pour définir les ambitions des transitions vers un futur en rupture avec les excès du passé.

L’objectif de cette session est de donner une place à des travaux qui cherchent à embrasser d’un même regard des questions portant sur l’organisation et des questions portant sur le travail, ses conditions de réalisation et le vécu subjectif des travailleur.se.s. Ce vécu intègre la question des tensions ou des satisfactions qu’ils et elles vivent dans le contexte d’organisations cherchant à « faire leur part » dans la transition sociétale, économique et environnementale, rendue nécessaire au vu des enjeux climatiques, écologiques et sociétaux actuels. Nous nous intéressons ici tant aux organisations qui affichent des ambitions de soutenabilité forte, qu’à celles qui sont dans un chemin de transition et celles qui visent plus simplement à amorcer une transition.

La session est portée par la commission Concevoir pour le Développement Durable d’Arpège, Association pour la Recherche en Psychologie Ergonomique et Ergonomie, qui rassemble des chercheurs et chercheuses familier.es d’analyses fines du travail et de l’activité. Nous souhaitons favoriser ici les démarches englobantes, prenant en compte des dynamiques tant ascendantes que descendantes (Thatcher & Yeow, 2016). Des approches systémiques ont été pensées pour intégrer dans une analyse multi-scalaire (Boudra et al., 2021) donnant une place à l’analyse du travail, à ce qui touche à l’organisation (Le Bail, Cerf & Yannou-Le Bris, 2021), à la couche institutionnelle (Guibourdenche & Fréjus, 2023) voire au niveau du territoire (Boudra, 2019). Cette session et le contexte de RIODD doivent permettre d’aborder un certain nombre de questions :

 

  • Comment faire pour que les trois piliers du développement durable soient soutenus, tant dans les pratiques internes de l’entreprise que dans ses effets et externalités ?
  • Des démarches ont-elles permis ou permettraient-elles de remettre « au centre des gouvernances » le vivant (ce qui inclut ce qu’on a appelé historiquement « la nature », mais aussi les travailleur.se.s) pour entreprendre des transformations à visée régénérative ? 
  • Quelle radicalité (niveau d’exigences) pour une soutenabilité forte du travail ?  Quels modèles théoriques et méthodologiques privilégier pour embrasser d’un même regard des déterminants organisationnels structurants externes à l’entreprise, d’autres internes à l’entreprise et les réalités du travail dans leurs dimensions objectives et subjectives ? Est-ce possible/réaliste ? Dans quelle mesure des approches relevant de la systémie peuvent-elles permettre d’englober différents niveaux d’analyse et de compréhension ?
  • Comment permettre aux entreprises qui vise une soutenabilité forte de ne pas « sacrifier le bien-être au travail » (INRS, 2019) à l’autel de l’urgence écologique ?
  • Peut-on imaginer, expérimenter et pérenniser des moyens d’actions / dispositifs pour accompagner les transformations du travail pour des organisations à visée régénérative ? Comment ?
  • Quels modèles alternatifs des rapports production/consommation proposer pour retravailler la question des besoins prenant en compte plus de sobriété dans la consommation et dans les modes de production ?
  • Comment articuler choix technique plus vertueux [au vu des enjeux cités plus haut] et évolution du modèle organisationnel ? Avec quelles conséquences sur le travail ?
  • Pour évoluer, comment mettre en débat dans l’organisation des attachements historiquement construits à des formes de travail jugées non soutenables ? Quelles compétences construire ? Quels renoncements sont nécessaires ?

 

Références bibliographiques

 

Barcellini, F. (2015). Développer des interventions capacitantes en conduite du changement.

Comprendre le travail collectif de conception, agir sur la conception collective du travail [thèse

de doctorat, Université de Bordeaux].

Bourmaud, G., Zara-Meylan, V., Le Bail, C., Boudra, L., Kovacs, B., Masson, A., Capo, S., & Retaux, X. (2019). L’ergonomie au prisme du développement durable : valeurs, éthique et enjeux pour la formation et la pratique. Symposium organisé au 54e congrès de la Société d’ergonomie de langue française (SELF), Tours, 25- 27 septembre 2019.

Boudra, L. (2019). Activité humaine, espace et territoire. Éléments de réflexion à partir d’une analyse systémique et multiscalaire. Ergologia, 22, 69-90.

Boudra, L., Le Bail, C., Prost, M., Chizallet, M., Masson, A., Bourmaud, G., & Guibourdenche, J. (2021). Double symposium : Construire des approches multi-scalaires du temps, de l’espace et de l’organisation pour aborder les transitions vers un développement durable. In Actes du 11ème colloque de Psychologie Ergonomique (EPIQUE). Lille, 6-9 Juillet.

Darses, F., & de Montmollin, M. (2012). L'ergonome au travail. Dans F. Darses (éd.), L’ergonomie (pp. 43-68). Paris : La Découverte.

Ferraro, F., Etzion, D., & Gehman, J. (2015). Tackling Grand Challenges Pragmatically: Robust Action Revisited. Organization Studies, 36(3), 363-390. 

Guibourdenche, J., & Cahour, B. (2019). Développement durable : Nouvelles perspectives en psychologie ergonomique et ergonomie. Psychologie Française, 64(2), 115‑118.

Guibourdenche, J., & Fréjus, M. (2023). Concevoir pour l’activité de travail orientée vers l’action publique: le cas d’un Plan Climat‑Air‑Énergie Territorial. Activités, 20(2).

INRS. (2019). Risques psychosociaux, bien-être et qualité de vie au travail. Paris: INRS.

Le Bail, C., Cerf, M., & Yannou-Le Bris, G. (2021). La relocalisation des systèmes alimentaires dans les territoires: quel cadre d’analyse en ergonomie? Une étude de cas sur le plateau de Saclay. Activités, 18(2).

Pichault, F. (2009). Gestion du changement, théories et pratiques. De Boeck.

Thatcher, A., & Yeow, P. H. (2016). A sustainable system of systems approach: a new HFE paradigm. Ergonomics, 59(2), 167-178.

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